Quand je rencontre de nouveaux clients pour de la réactivité, je demande toujours ce qu’ils ont essayé jusque là. J’ai besoin de savoir ce qu’ils ont aimé ou non, et ce qui a semblé aider ou non. C’est de l’information dont je me sers ensuite pour créer leur plan d’entraînement.
Mais bien souvent, je me retrouver plutôt à leur expliquer qu’ils n’ont pas eu de progrès pour une raison simple. Les méthodes ou exercices qu’ils me décrivent n’allaient jamais fonctionner : ils ne sont pas du tout utiles. Alors pour essayer de sauver un peu de temps, de patience, et d’espoir pour les suivants, voici le top 3 des stratégies sur lesquelles les gens passent des heures à travailler… pour rien.
Faire asseoir le chien le temps que le déclencheur passe
Le plus commun, c’est celui-ci. La personne demande (ou parfois force) le chien à s’asseoir. Souvent, elle se dit que assis = calme, et puis assis il ne peut pas charger. Dans l’idée, ce n’est pas complètement fou. Mais dans la pratique, faire asseoir le chien va créer plus de problèmes que ça en résout. Je vous explique.

En cas de réactivité par frustration
Il veut s’approcher de son déclencheur et ne peut pas car il est en laisse, ce qui cause la réaction. Je lui demande de rester immobile, avec cette source d’envie qui s’approche de plus en plus, jusqu’à lui passer devant. Il va peut être s’asseoir lorsque l’autre chien est à 100 mètres. Mais croyez-moi que rendu sous son nez, mon chien ne se contiendra plus. Et avec raison : on ne lui a pas encore appris à se gérer de loin, aucune chance qu’il y arrive de près ! En le faisant asseoir, on va donc augmenter sa frustration plutôt que la travailler : ça ne risque pas d’améliorer mon problème.
En cas de réactivité par peur :
Il n’aime pas le déclencheur et veut créer une distance avec. Je lui demande de rester immobile pendant que quelque chose qu’il déteste, au point qu’il pense qu’il doit s’en défendre, s’approche de plus en plus. Il va éventuellement craquer, et probablement réagir 3 fois plus fort… parce que son problème sera rendu 3 fois plus proche de lui. Essayez de rester assis pendant que quelqu’un approche une mygale/serpent/animal-terrifiant-de-votre-choix de votre tête, et vous me direz à quelle distance vous avez commencé à crier.
De plus, si votre but est que votre chien ignore ce déclencheur et passe son chemin lorsqu’il le croise, s’asseoir est complètement incompatible avec ce but final. On veut qu’il continue à marcher normalement, pas qu’il s’arrête à chaque chien !
Bloquer la vue du chien pour qu’il ne puisse plus fixer le déclencheur
Il y a trois problèmes majeurs avec cette stratégie :
- Si le chien réagit par peur, on l’empêche de voir ce qui lui fait peur. Alors qu’il sait pertinemment que c’est là. On a de grandes chances de le faire paniquer plus, pas de le calmer. C’est un peu comme si je savais qu’il y avait une mygale dans mon bureau en ce moment, mais je l’ai perdue de vue. Je ne suis pas rassurée, croyez-moi.
- Le chien ne produit pas d’action, on n’attend rien de lui : c’est la personne qui se déplace devant sa tête. Donc le chien n’apprend pas de nouveau réflexe. À part peut-être à plus fixer ses déclencheurs car ils ont tendance à disparaître de son champ de vision.
- Si on est honnête… même nos meilleurs efforts ne bloquent vraiment jamais la vue du chien. Donc même si ça avait une chance de l’aider, il faudrait vous promener avec un panneau en carton en tout temps. Je ne vous le recommande pas.
Agir pour lui
Dans cette catégorie de stratégies, on retrouve les plus communes : raccourcir la laisse pour qu’il reste au pied, faire demi-tour en entraînant le chien, et tirer le chien à l’opposé du déclencheur pour s’éloigner. Le point commun de ces trois actions : c’est vous qui les faites. Le chien les subit, il les suit parfois, mais il n’a pas pris d’initiative de mouvement. Il ne va donc pas pouvoir apprendre à mieux réagir la fois suivante.
C’est un peu comme si vous faisiez les devoirs d’un enfant à sa place : il va avoir une bonne note, le résultat y est. Mais il n’aura rien appris lui-même.
Les seules situations où je vous recommande d’agir à la place de votre chien, c’est en cas d’urgence. Par exemple, si une situation inattendue se produit : un chien sans laisse court droit vers vous, ou bien trois chien marchent vers vous au même moment.
Mais alors, on fait quoi pour travailler la réactivité ?
Honnêtement, il y a beaucoup de chemins qui mènent à Rome en réactivité. Mais le principal à retenir, c’est de :
- Ne pas forcer votre chien à rester immobile.
- Ne pas agir à sa place, sauf en urgence.
- Lui apprendre une compétence à exécuter lui-même, et l’entraîner jusqu’à ce qu’il réussisse même dans la situation qui le rend réactif.

Et si vous vous acharnez sur un exercice qui ne mène à rien, ne vous sentez pas mal. J’ai fait exactement la même chose lorsque j’étais à votre place, avec mon Border Collie réactif, avant d’être éducatrice. C’est comme ça que je m’assure de ne jamais juger mes clients : je me souviens que j’ai probablement fait bien pire qu’eux, à l’époque. Maintenant, on se concentre sur des techniques qui fonctionnent !

Nina Esmery, CTC, BSc, FSG1
Éducatrice comportementaliste
Nina est une spécialiste du comportement canin, qui travaille majoritairement sur la réactivité canine. Elle croit beaucoup aux liens communautaire et au soutien entre les familles de chiens réactifs, et approchera avec empathie les personnes qui essaient de travailler le comportement de leur chien.
