On entend parler de réactivité congénères partout, c’est un des problèmes de comportement les plus communs dans le monde canin. Cette semaine, on décortique ensemble la réactivité en laisse aux autres chiens.
La réactivité congénères, c’est quoi ?
La réactivité, pour faire simple, c’est lorsqu’un chien a une réaction exagérée par rapport à une situation dans laquelle il se trouve. On parle de réactivité aux congénères en France, ou de réactivité aux chiens au Québec, lorsqu’un chien change drastiquement de comportement en présence d’un autre.

Ensuite, les spécificités du problèmes sont propre à chaque chien, et varient beaucoup selon les cas.
Les comportements « symptômes »
Certains chien réactifs aboient, d’autres pleurent, d’autres encore grognent. Des chiens tirent sur la laisse, sautent, chargent, tandis que d’autres figent, et arrêtent complètement de bouger. On observe parfois une séquence, une chaîne de ces comportements: par exemple se coucher et figer, puis charger quand l’autre chien se rapproche. Ces comportement peuvent aussi évoluer dans le temps. Par exemple : j’ai entraîné des chiens qui aboyaient en début de protocole, puis sont redescendus vers un scillement/pleur au fur et à mesure qu’ils apprenaient, pour éventuellement ne plus réagir du tout.
La sensibilité du chien
Le niveau d’exposition pour les mettre dans cet état varie aussi. Un bruit de médaille par la fenêtre peut lancer la machine pour certains chiens. Pour d’autres sont indifférents à moins d’être à moins de 2 mètres de l’autre individu.
Les déclencheurs
On appelle déclencheur l’individu qui a déclenché la réaction. Souvent, il ne nous a pas vu, et n’a rien fait de spécial. N’oubliez pas que le principe de la réactivité est la réaction démesurée. C’est la raison pour laquelle répondre « Mais mon chien est gentil ! » à une personne qui vous demande de la distance est inutile : les chiens réactifs peuvent réagir aux chiens gentils, moins gentils, ceux dans les films, et même ceux de l’autre côté du parc.
Le déclencheur peut aussi être spécifique selon les chiens. Beaucoup de chiens réagissent plus aux gros chiens qu’aux petits, par exemple. Certains sont plus indifférents aux bergers qu’aux braques, certains ne réagissent qu’aux huskies. J’ai aussi rencontré des chiens qui ne réagissaient qu’aux chiens d’une certaine couleur.
Ce n’est pas toujours logique, et on ne comprend pas toujours la cause. Mais il est important d’identifier ce qui déclenche (ou non) notre chien pour travailler sur ce comportement : ça évite les surprises.
Les deux grandes catégories de réactivité
On sépare la réactivité en deux grandes familles : en fonction de l’émotion derrière. On a deux grandes catégories d’émotions : d’un côté la peur, l’inconfort, la colère ; de l’autre la joie, la curiosité, l’envie et la frustration. La réactivité est un comportement réflexe : la plupart du temps le chien réagit sans réfléchir. On dirait, à le regarder, qu’il subit son état émotionnel sans arriver à le gérer. Mais ce qu’il faut savoir, c’est que ce comportement a une fonction différente, selon l’émotion qui le provoque. Il n’a pas le même objectif, au niveau de l’évolution.
La réactivité aux congénères par peur
Sa fonction est d’agrandir la distance entre mon chien et son déclencheur. Ca lui laisse donc 3 choix: le fameux Fight/Flight/Freeze. En français : s’enfuir, se battre (donc faire s’enfuir l’autre), ou s’immobiliser. L’immobilisation est plus rare, par contre. Si on regarde spécifiquement le cas des chiens en laisse, on se rend vite compte que l’option de la fuite est inexistante : c’est très rare que la personne au bout de la laisse suive le chien qui essaie de prendre de la distance ; on a plus souvent une tentative de « dédramatiser ». Sauf qu’un chien n’est pas une personne et ne peut pas se « raisonner » par des paroles, d’autant plus qu’ils ne parlent pas français. On se retrouve donc le plus souvent avec des chiens qui ont peur et chargent proactivement pour faire partir le problème. Parfois, on a des chiens qui auraient voulu fuir, mais ont appris que ce n’était pas une option. Plan B dans ce cas : eux aussi se mettent à charger vers le déclencheur.
J’espère que vous comprenez mieux comment un chien qui charge, aboie, ou grogne peut être un chien qui est en fait terrifié.
Parlons maintenant des instants qui suivent la réaction : très souvent, l’autre chien s’éloigne. Tout simplement parce que mon chien a l’air fou, et que l’humain d’en face attire donc le sien loin de nous. Notre chien se sent donc soulagé : la distance avec son déclencheur s’agrandit. La réactivité a rempli (encore une fois, inconsciemment) sa fonction. Le cerveau de mon chien la catégorise comme une bonne technique en cas de danger : elle sera utilisée à nouveau la prochaine fois.
La réactivité aux congénères par frustration
Sa fonction est de réduire la distance entre mon chien et son déclencheur. Elle est déclenchée lorsque mon chien veut vraiment rencontrer, sentir, investiguer un autre chien. En laisse, ou derrière un grillage par exemple, une frustration se crée car il n’a pas la possibilité de bouger librement vers ce qui l’attire. La capacité à gérer cette frustration varie beaucoup selon les chiens, et donc donne des intensité de réponse différentes, allant jusqu’à la réactivité.
Est-ce que vous comprenez comment un chien qui aboie et tire vers un autre n’est pas forcément agressif ? Je vous l’accorde, ça reste agressant !
Et pour les conséquences de cette réaction, on a généralement deux cas de figure.
- Mon chien a tiré jusqu’à se rendre à son congénère, et obtenu l’accès. Son cerveau enregistre donc que ces comportements sont efficaces pour se sentir mieux lorsqu’il ressent de la frustration. Il le refera la prochaine fois.
- Mon chien n’a pas pu avoir ce qu’il voulait : certains passent à autre chose. Pour d’autres, la frustration se creuse de fois en fois, et il finissent pas détester croiser des copains car ils y ont associé cet état désagréable !

Que faire si mon chien devient réactif à ses congénères ?
La stratégie globale
Sans entrer dans un grand plan d’entraînement détaillé, voici dans les grandes lignes nos conseils. Avant tout : n’espérez pas que ça passera tout seul, ou en vieillissant. Attendre, c’est donner au problème plus d’opportunités pour s’aggraver.
- Sur le long terme, vous voulez changer/atténuer l’émotion lorsqu’il est exposé à un autre chien.
- Sur le court terme, vous voulez lui apprendre comment agir de façon plus contrôlée et sécuritaire lorsqu’il se sent comme ça. Apprenez à votre chien des comportement alternatifs pour répondre à son émotion. Ca vaut pour les chiens réactifs par peur comme par frustration. La liste des options est longue, et le choix va dépendre de votre environnement, de votre chien, de vos préférences et des siennes.
J’ai aussi compilé un Top 3 des stratégies à éviter en réactivité canine, pour vous éviter de perdre votre temps et votre énergie !
Et finalement, cet article de l’éducatrice comportementaliste Zazie Todd résume bien pourquoi il est recommandé d’entraîner votre chien (réactif ou non) en méthodes dites « positives ». Elle y cite toutes les sources pour chaque argument : ce n’est pas une opinion mais un fait prouvé par des études scientifiques. Je vous recommande chaudement son blog et ses livres, d’ailleurs !
Et pas d’inquiétude : un comportementaliste compétant sera capable de vous amener à progresser, sans avoir à crier sur votre chien.
Besoin d’aide ?
Si vous ne savez pas comment vous y prendre, faites-vous accompagner par un éducateur comportementaliste qui soit compétant en réactivité. Si vous êtes dans les Alpes-Maritimes, nous sommes basés à Carros et on se déplace à domicile tout autour. Vous trouverez ici plus d’information sur nos méthode et notre éthique de travail. Et ici la liste de mes formations de base et continue.
Au besoin, nous offrons aussi le suivi à distance en visio. C’est un peu moins idéal car je ne suis pas dans la rue avec vous, mais je peux vous créer un plan d’entraînement, vous enseigner les exercices, et choisir les meilleures stratégies pour votre situation spécifique. Je recommande ce service seulement si vous n’avez pas d’éducateur comportementaliste qui vous convienne dans votre région.

Nina Esmery, CTC, BSc, FSG1
Éducatrice comportementaliste
Nina est une spécialiste du comportement canin, qui travaille majoritairement sur la réactivité canine. Elle croit beaucoup aux liens communautaire et au soutien entre les familles de chiens réactifs, et approchera avec empathie les personnes qui essaient de travailler le comportement de leur chien.
